Affaire Maëlys

Retour sur le drame qui a secoué le Jura après la disparition dans d'horribles circonstances dans la nuit du 26 au 27 août 2017 de la petite fille qui vivait à Mignovillard

Maelys, 9 ans, a disparu à Pont-de-Beauvoisin (Isère) dans la nuit du 26 au 27 août 2017. Photo Myriam ELFY

Maelys, 9 ans, a disparu à Pont-de-Beauvoisin (Isère) dans la nuit du 26 au 27 août 2017. Photo Myriam ELFY


Deux jours après la disparition :
le 29 août 2017


Maëlys : l’enlèvement privilégié

La piste de l’enlèvement est privilégiée par les gendarmes après la disparition de Maëlys De Araujo, 9 ans, survenue il y a 48 heures, lors d’une fête de mariage à Pont-de-Beauvoisin dans l’Isère.

Il était environ 3 heures du matin, ce dimanche 27 août, lorsque les parents de la fillette, originaires des Abrets-en-Dauphiné dans l’Isère mais installés depuis deux ans dans le Jura, constatent que l’une de leurs deux filles, Maëlys, n’est plus présente dans la salle des fêtes où 180 convives fêtent un mariage.

Immédiatement, les parents et des proches cherchent la fillette. Sur les parkings puis aux alentours. Trois quarts d’heure plus tard, alors que l’enfant reste introuvable, ils alertent les gendarmes. Très rapidement, un important dispositif est déployé sur le terrain, mobilisant plus d’une centaine de gendarmes.

Des plongeurs pour sonder la rivière

« Ce mariage était plutôt calme, contrairement à d’autres. Ce sont les aboiements des chiens des gendarmes qui nous ont réveillés au petit matin », confie Florence, une mère de famille dont la maison domine le parking de la salle des fêtes. « Ils nous ont questionnés, ainsi que nos voisins. Les maisons ont également été visitées par les enquêteurs », poursuit-elle. « Quand j’ai appris la nouvelle par les gendarmes, au petit matin, j’ai été abasourdi. C’est quelque chose d’impensable », rapporte Michel Serrano, maire de la commune, qui s’est aussitôt rendu sur place.

Durant toute la journée de dimanche, les recherches se sont poursuivies, avec le concours de six équipes cynophiles, de plongeurs pour sonder le Guiers, la rivière distante de 500 mètres de la salle des fêtes, et d’un hélicoptère. Les bois pentus et à la végétation dense surplombant le quartier ont également été ratissés. « Malgré l’importance des moyens déployés, la jeune fille n’a pas été retrouvée », indiquait sobrement Dietlind Baudoin, procureur de la République de Bourgoin-Jallieu. Plus inquiétant : les chiens de piste ont perdu la trace de l’enfant sur le petit parking extérieur de la salle des fêtes et bordant l’une des principales routes menant au centre-ville.

Et pour faciliter le travail des chiens, les gendarmes n’ont pas hésité à se transporter en hélicoptère jusqu’au domicile des parents, dans le Jura, afin de récupérer un doudou de la fillette.

Aucune piste écartée

Mais à l’évidence, c’est bien sur ce petit parking que Maëlys s’est volatilisée. « On peut légitimement penser que l’enfant est montée à cet endroit dans une voiture puisque sa trace s’arrête net », indique prudemment une source proche de l’enquête.

« À ce stade, au regard du temps écoulé depuis la disparition de la jeune fille et des moyens déployés pour la retrouver, aucune piste, accidentelle ou criminelle, n’est écartée. Les investigations se déroulent dorénavant sous la qualification d’enlèvement », indiquait ce lundi à la mi-journée la magistrate. Une enquête qui est menée depuis hier matin par la SR de Grenoble conjointement avec la compagnie de La Tour-du-Pin.

" On peut légitimement penser que l’enfant est montée à cet endroit dans une voiture puisque sa trace s’arrête net "

Alors que les mariés et certains de leurs proches effectuaient les derniers rangements dans un climat pesant, hier à la salle des fêtes, les gendarmes ont fait du porte-à-porte en centre-ville, questionnant les commerçants en ce jour de marché. Fastidieuse, l’enquête a également consisté pour les gendarmes à appréhender l’environnement familial de l’enfant - un environnement qualifié de « clair » par les enquêteurs - et à entendre la centaine de personnes encore présentes à la fête, au moment de la disparition de Maëlys.

Mais hier soir, les gendarmes ne disposaient d’aucun élément probant. C’est dire si l’inquiétude dominait plus que jamais, tant à Pont-de-Beauvoisin qu’à Mignovillard, le village jurassien de la famille de Maëlys.

Vincent Wales

Au moment des faits : la famille installée à Mignovillard depuis un peu plus de deux ans

Certains habitants de Mignovillard ont pu apercevoir ce dimanche 27 août un hélicoptère de la gendarmerie passer au-dessus de la commune. Il s’agissait, selon nos informations, des gendarmes de l’Isère, enquêtant sur la disparition de Maëlys dans la nuit de samedi à dimanche. Les gendarmes ont été accueillis par le maire de la commune, Florent Serrette. La fillette disparue, Maëlys, 9 ans, habite en effet le hameau de Froidefontaine à Mignovillard depuis 2 ans et demi, selon nos informations. Elle est d’ailleurs connue de plusieurs habitants du village, malgré cette récente installation, et est scolarisée à l’école publique de Mignovillard.

« J’espère une issue rapide et positive », affirmait ce lundi 28 août, Florent Serrette.


Le 30 août 2017


A Froidefontaine, le prénom de Maëlys est sur toutes les lèvres. Les habitants l’ont croisée avec son chien en laisse ou aperçue jouant avec sa sœur dans le jardin de la maison familiale située au cœur du hameau. Photo Philippe TRIAS

A Froidefontaine, le prénom de Maëlys est sur toutes les lèvres. Les habitants l’ont croisée avec son chien en laisse ou aperçue jouant avec sa sœur dans le jardin de la maison familiale située au cœur du hameau. Photo Philippe TRIAS

La disparition de Maëlys suscite
émotion et angoisse

La fillette de 8 ans a disparu dans la nuit de samedi à dimanche lors d’un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère). À Mignovillard et dans le hameau de Froidefontaine où habite Maëlys, les habitants sont touchés par la terrible nouvelle.

À quelques pas de la maison de Maëlys, débute la rue du Calvaire. Un nom qui fait tristement écho à l’émotion et l’inquiétude des habitants de Mignovillard et du hameau de Froidefontaine. Les parents de Maëlys et de sa sœur de 12 ans, habitent à Froidefontaine depuis deux ans et demi, selon nos informations. La famille aurait acheté la maison dans laquelle ils habitent à leurs voisins mitoyens.

« C’est d’une tristesse », lance un habitant du hameau. « Je ne connais pas bien la famille mais la petite fille, je la voyais des fois promener son chien. Je sais aussi qu’elle fait du cheval », explique-t-il. La maman serait infirmière à Pontarlier croient savoir plusieurs voisins. Maëlys, qui doit avoir 9 ans en novembre, est en tout cas bien identifiée par les habitants du hameau. « Je la voyais passer à vélo et parfois courir après son chien, raconte une habitante. Elle m’a déjà demandé à plusieurs reprises si j’avais vu passer son chien. » À quelques pas de là, une autre habitante connaît elle aussi la fillette. « C’est une petite fille comme les autres. Je la voyais régulièrement dans le village. J’avoue que j’ai mal dormi en apprenant la nouvelle ». L’inquiétude était en tout cas palpable ce mardi 29 août, même chez les habitants qui ne connaissaient pas directement la famille.

« On se dit que c’est quelque chose qui pourrait arriver à n’importe qui »

« Quand on lit dans les journaux qu’elle a disparu lors d’un mariage, on se dit que c’est quelque chose qui pourrait arriver à n’importe qui, on n’aime pas trop apprendre ce genre de nouvelles », avance une commerçante.

« Je ne connais pas la famille, mais ce mardi matin, mes clients étaient très touchés, ils étaient nombreux à parler de cette disparition », affirme une autre commerçante de Mignovillard.

Du côté de l’école des Barbouillons à Mignovillard où Maëlys doit effectuer sa rentrée en CM1, les institutrices interrogées, forcément émues, n’ont pas souhaité s’exprimer.

"Je la voyais passer à vélo et parfois courir après son chien"
Une habitante de Froidefontaine

Ce mardi matin, de nombreux habitants étaient déjà au courant de la disparition de la fillette en Isère à travers l’avis de recherche lancé pour retrouver la jeune fille, les médias ou encore les réseaux sociaux. Certains ont même aperçu dimanche un hélicoptère de la gendarmerie survoler le village. Les gendarmes isérois ont en effet fait le déplacement jusque dans le Jura pour récupérer un doudou de la fillette dans le but de faciliter le travail des chiens pisteurs. Ils ont été accueillis par le maire de Mignovillard, Florent Serrette. Mais la trace suivie par les chiens semble s’arrêter net sur le parking de la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin.

Élodie Castelli


Le 5 septembre 2017


Rentrée scolaire : Maëlys
manque à l’appel

Photo Philippe TRIAS

Photo Philippe TRIAS

"On ne pense qu’à Maëlys et sa famille"
Une maman d’élève de Mignovillard

Le 6 novembre 2017


Des ballons lâchés pour la petite Maëlys

Ce dimanche 6 novembre 2017, c’était le 9e anniversaire de la fillette jurassienne, disparue fin août lors d’un mariage en Isère.

« Maëlys, tu as 9 ans. Tu voulais faire du football en septembre. Nous lâchons aujourd’hui tous ces ballons pour te faire honneur. » Ces mots sont ceux de Jennifer De Araujo.

La maman de la petite Maëlys dont c’était le 9e  anniversaire dimanche, a pris quelques instants la parole dans un silence total, à 10 h 50, aux Abrets-en-Dauphiné (Isère), en présence de 150 personnes. Une commune où la famille a vécu avant de s’établir à Mignovillard dans le Jura.

À ses côtés, sa fille aînée et le papa de Maëlys, Joachim, accompagnés par leur avocat Fabien Rajon.

Un moment symbolique et lourd, qui s’est tenu à la mi-temps d’un match opposant les féminines du club local de l’ASF Bourbre aux Grenobloises du FC Mistral, au parc Bisso.

Famille et anonymes - se sont réunis pour un lâcher de ballons organisé par la famille, sur une pelouse rendue humide par la pluie. Et remplie de chagrin, d’attente et d’espoir aussi, deux mois et demi après la disparition de Maëlys. Qui s’est volatilisée pendant un jour de fête, un mariage, dans la nuit du 26 au 27 août, à Pont-de-Beauvoisin (Isère). Quatre banderoles étaient déployées par la famille. On pouvait lire “Tu nous manques, on t’aime”, “Joyeux anniversaire Maëlys, on ne t’oublie pas” ou, encore, “On ne lâchera jamais”, “La vérité pour Maëlys”.

Des portraits de la petite fille aux yeux noirs sont affichés. Des centaines de ballons colorés ou blancs avec le prénom de Maëlys marqué au feutre noir, d’autres en forme de cœur ou ovale, se sont envolées dans un ciel chargé. « Nous, tes parents, ta sœur, notre famille, des amis, on est tous présents pour toi. Nous voulons que la vérité soit révélée le plus vite possible », a lancé la maman de Maëlys. « On remercie tous ceux qui sont venus aujourd’hui, et qui nous soutiennent dans notre malheur. On t’aime Maëlys. » Des “joyeux anniversaire” ont accompagné l’envol des ballons, partis sous les applaudissements.

Candice Heck

Au premier plan, les parents de Maëlys, avec sa sœur aînée lors du rassemblement de dimanche dans l’Isère. Photo Michel THOMAS/Le Dauphiné Libéré

Février 2018


Maëlys : la "quasi-totalité" des restes retrouvés, fin des recherches

Sorti de son long silence, Nordahl Lelandais a avoué avoir tué la petite Maëlys. Les enquêteurs poursuivent les recherches là où il a indiqué avoir déposé son corps.

Après six mois de silence, Nordahl Lelandais a avoué mercredi 14 février 2018 avoir tué la petite Maëlys.

Le principal suspect a fourni aux enquêteurs les indications qui ont permis de retrouver des restes de la fillette. Le crâne de l’enfant et un os long ont été découverts en fin d’après-midi.

Depuis lors, la "quasi-totalité du corps" a été retrouvé, a indiqué le parquet. Selon le Dauphiné, les habits de la petite fille et l'une de ses sandales ont été retrouvés. Les recherches ont donc pris fin ce jeudi après-midi.

Des analyses devront maintenant déterminer si ces restes appartiennent tous à Maëlys.

Recherches dans la neige et le brouillard

Photo archives AFP

Photo archives AFP

Les recherches se sont effectuées dans une zone forestière difficile d'accès.

Ce jeudi 15 février, la poursuite du travail des enquêteurs a été compliquée par les conditions météorologiques - neige, pluie et épais brouillard - ainsi que par la nature très accidentée du terrain.

La gendarmerie a néanmoins mobilisé de gros moyens : des chiens spécialisés dans la recherche de corps, un laboratoire mobile et une vingtaine d’experts de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale).

Lelandais "réentendu prochainement"

Par ailleurs, au lendemain des aveux du principal suspect, les enquêteurs s'intéressent maintenant aux circonstances de la mort. L’ancien maître-chien a refusé de s’exprimer sur ce point.

Visiblement, il aurait assuré que Maëlys était morte "par accident".

Nordahl Lelandais "sera réentendu prochainement sur les faits et sur la manière dont la mort a été donnée", a assuré mercredi soir le procureur de la République de Grenoble, Jean-Yves Coquillat. 


Août 2018


« Maëlys, on y pense tous les jours »

Il y a un an jour pour jour disparaissait Maëlys, 9 ans, à Pont-de-Beauvoisin (Isère). À Mignovillard, où vivent ses parents, la petite fille est toujours bien présente dans les esprits.

C’est avec pudeur mais une émotion palpable que les habitants de Mignovillard évoquent aujourd’hui Maëlys. La petite habitante du hameau de Froidefontaine est disparue il y a tout juste un an, six mois avant la découverte de son corps. Le drame avait ému la France entière, et tout particulièrement les personnes qui la côtoyaient au quotidien.

Dans cette paisible commune située à la frontière avec le Doubs, le temps s’est écoulé comme ailleurs.

« Les touristes nous en parlent »

Certains habitants préfèrent rester discrets, souvent par respect pour la famille de l’enfant, d’autres muets, mais personne n’a oublié l’enfant. « On y pense tous les jours à la pauvre gamine », assure une cliente de l’épicerie qui fait face à la mairie. « Elle est toujours dans nos esprits. Et puis, il y a un petit monument au cimetière sur lequel on peut se rendre. On voit parfois ses parents passer à pied dans cette direction », confie une dame croisée dans le village. « Les gens en parlent encore. » « Les gens », ce sont les habitants de la commune mais aussi des vacanciers et autres personnes de passage. « Des touristes sont venus d’un peu toute la France et nous en parlent », assure la Mignovillageoise.

Au Chalet de la Bourre, restaurant situé à la sortie de la commune, on remarque au contraire une certaine discrétion autour du sujet. « Les gens vont au cimetière s’ils le veulent mais tout le monde ne sait pas que Maëlys vivait ici. Les gens du coin le savent, mais pas forcément les autres. » « Tant mieux » pour la famille de la petite fille, selon la gérante. « Qu’ils aient une pause, parce qu’ils ont une vie. Et qu’ils soient un petit peu tranquilles parce que c’est déjà assez lourd. »

Les obsèques de la petite fille ont eu lieu à la Tour du Pin (Isère), le 2 juin 2018. Photo LE DAUPHINE

Les obsèques de la petite fille ont eu lieu à la Tour du Pin (Isère), le 2 juin 2018. Photo LE DAUPHINE

Le constat est partagé par une commerçante du centre du village : « Les gens n’en parlent plus tellement maintenant. On y pense mais voilà… Qu’est-ce qu’on peut dire ? C’est malheureux à dire mais la vie continue. »

Pour autant, l’anniversaire de la disparition de la petite fille, qui sera marqué par une marche blanche à Pont-de-Beauvoisin (Isère) (lire Repère), semble être dans tous les esprits. « Je pense qu’au début de la semaine, il y aura forcément une pensée pour elle », suppose la commerçante.

Un monument à la mémoire de la fillette au cimetière de Mignovillard

Afin que toute personne qui le souhaite puisse rendre hommage à la fillette enterrée à La Tour-du-Pin, dans le nord de l’Isère, un petit monument a été construit dans le cimetière de Mignovillard. Une pierre tombale ornée d’une grande photo de Maëlys, couverte de peluches et de fleurs, permet de se recueillir.

Un arrêté municipal datant de février 2018, quelques jours après la découverte de la petite fille, interdit toutefois toute prise d’images, qu’elles soient photographiées ou filmées, dans l’enceinte du cimetière.

De son côté, la municipalité se refuse depuis un an à tout commentaire au sujet de la disparition de l’enfant.

F. P.


Le 26 septembre 2018


Affaire Maëlys : Lelandais change sa version lors de la reconstitution

Face au parking du magasin Hyper U, le convoi transportant Nordahl Lelandais s’est immobilisé pendant une heure, à l’abri des regards. Un arrêt au cours duquel il a reproduit “plusieurs coups très violents” portés à la fillette. Photo Jean-Pierre CLATOT/AFP

Face au parking du magasin Hyper U, le convoi transportant Nordahl Lelandais s’est immobilisé pendant une heure, à l’abri des regards. Un arrêt au cours duquel il a reproduit “plusieurs coups très violents” portés à la fillette. Photo Jean-Pierre CLATOT/AFP

La reconstitution de la soirée, où Maëlys, 8 ans, a disparu lors d’un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère), a permis d’avancer. Désormais, l’unique suspect Nordahl Lelandais donne une version qui semble correspondre davantage aux éléments matériels dont disposent les enquêteurs.

Nordahl Lelandais a-t-il effectué de sa propre initiative ces nouvelles révélations aux juges d’instruction ou bien a-t-il été acculé, pour fournir de nouvelles explications face à des éléments d’investigation récemment versés au dossier ? Si la réponse à cette question reste en suspens au lendemain de la reconstitution de la mort de Maëlys qui a duré près de 7 heures, entre Isère et Savoie, il a choisi de livrer une nouvelle version de cette terrible nuit.

La fillette frappée à plusieurs reprises

Vendredi dernier face aux juges du pôle d’instruction de Grenoble, puis lundi soir sur le terrain, l’ex-militaire de Domessin a donc changé sa version. Initialement, quasiment contraint de reconnaître son implication dans la mort de Maëlys en raison de la présence d’une tache de sang sous les tapis de coffre de son Audi, il avait évoqué une violente gifle pour faire taire Maëlys qui hurlait de panique, alors qu’ils s’éloignaient de la salle polyvalente de Pont-de-Beauvoisin (Isère) en direction du domicile des Lelandais à Domessin (Savoie). Mais cette version devenait difficilement tenable, notamment au regard des conclusions de l’autopsie de la dépouille de l’enfant. Les experts mettant en évidence la présence de plusieurs fractures du crâne, ainsi que de la mâchoire.

Selon une source proche de l’enquête, le trentenaire, également mis en examen pour l’assassinat d’Arthur Noyer, reconnaît désormais avoir infligé « plusieurs coups très violents » à Maëlys. Et lundi soir, il a répété ces gestes dans son Audi grise, tout spécialement acheminée dans un container. Dans l’habitacle, un mannequin d’enfant avait été installé sur le siège passager avant. Et cette scène, les gendarmes en charge du dispositif de sécurité ont employé tous les moyens afin qu’elle ne soit pas captée par les cameramen et les photographes.

C’est là, à la sortie de cette zone commerciale, à moins de 600 mètres de son domicile, que le trentenaire, au volant de son Audi, déclare donc avoir frappé la fillette dans sa voiture. Il aurait alors reproduit des coups violents sur le mannequin. Avant de poursuivre avec ses explications fournies initialement : il stoppe son Audi après s’être rendu compte que le pouls de Maëlys avait cessé de battre.  Il aurait déposé son corps dans un petit chemin (et non plus dans ce fameux cabanon de jardin dont il parlait depuis le 14 février).  Avant de regagner son domicile. Pour changer son bermuda souillé de sang, mais également se nettoyer les mains. Cette troisième phase de reconstitution a retenu l’ensemble des protagonistes près de deux heures au domicile familial des Lelandais. Avec une inévitable confrontation avec sa mère qui était restée éveillée devant la télévision la nuit des faits.

« Cette version “colle” désormais un peu plus avec la matérialité des faits. Il est cependant légitime de s’interroger sur sa réalité car depuis le début de l’affaire, il n’a cessé de faire évoluer ses déclarations, pour s’adapter aux éléments versés au fur et à mesure au dossier », observe une source proche du dossier, soulignant que pendant près de 6 mois, Nordahl Lelandais n’avait cessé de nier toute implication dans la disparition de Maëlys.

Vincent WALES


Février 2021


Meurtre de Maëlys : fin des investigations

Trois ans et demi ont été nécessaires aux trois juges instructeurs grenoblois pour mettre un point final à l’instruction sur l’enlèvement et le meurtre de Maëlys, ouvrant ainsi la voie à un procès, qui pourrait se tenir dans moins d’un an.

Il aura fallu trois ans et demi pour clôturer le dossier Maëlys. Ce jeudi 18 février, les trois juges d’instruction grenoblois en charge de l’enlèvement et du meurtre de Maëlys ont mis fin aux investigations. La dernière pièce versée à ce dossier hors-norme l’a été courant janvier 2021 : il s’agit de la seconde expertise psychiatrique de Nordahl Lelandais, le meurtrier présumé de la fillette, enlevée et tuée dans la nuit du 26 au 27 août 2017, à Pont-de-Beauvoisin.

« La juge d’instruction a rendu, ce jour, une ordonnance de soit-communiqué au parquet aux fins de règlement en vertu de l’article 175 du Code de procédure pénale », a précisé, ce jeudi 18 février, Éric Vaillant, procureur de la République de Grenoble. Concrètement, cela signifie que « le parquet dispose désormais d’un mois pour relire et analyser le dossier et transmettre en retour au juge ses réquisitions sur les suites qu’il entend donner à la procédure ». Dans ce délai, les autres parties peuvent adresser, elles aussi, leurs observations au juge ou formuler des demandes d’acte.

Maëlys De Araujo, 8 ans, avait disparu dans la nuit du 26 au 27 août 2017, à l’occasion de la soirée d’un mariage, qui se déroulait à la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin. Rapidement suspecté, Nordahl Lelandais, ancien maître-chien militaire de Domessin (Savoie), n’avouera cependant que six mois après sa mise en examen, avoir tué « involontairement » la petite fille. Acculé par de nombreux éléments, dont les images d’une vidéo-protection, puis la découverte d’une trace de sang de la fillette dans le coffre de son Audi, le trentenaire avait fini par conduire les magistrats et les enquêteurs de la section de recherches de Grenoble sur les lieux où il avait abandonné le corps de sa victime, dans la forêt, au pied du Mont Grêle, à Attignat-Oncin (Savoie). C’était le 14 février 2018.

Un premier procès en mai pour le meurtre d’Arthur Noyer

Entre-temps, Nordahl Lelandais avait été mis en examen pour le meurtre d’Arthur Noyer, ce caporal des chasseurs alpins mystérieusement disparu dans la nuit du 11 au 12 avril à Chambéry. Un dossier clôturé, lui, depuis plusieurs mois. D’ailleurs, Nordahl Lelandais, aujourd’hui âgé de 38 ans, doit comparaître du 3 au 14 mai prochain, aux assises de la Savoie.

Un premier procès avant un second, devant la cour d’assises de l’Isère, pour l’enlèvement et le meurtre de Maëlys. Malgré de multiples demandes de la famille de l’enfant, ainsi que du parquet de Grenoble, la mise en examen pour viol a toujours été écartée. Une requête pourrait de nouveau être formulée, dans le délai d’un mois, afin que Nordahl Lelandais soit aussi jugé pour le viol de Maëlys.

Au cours de cette audience, le trentenaire devrait également comparaître pour agression sexuelle sur deux très jeunes cousines, âgées alors de 4 et 6 ans, quelques jours et semaines avant le meurtre de Maëlys.

Initialement prévu pour fin 2021, ce procès qui s’annonce hautement médiatique, devant durer de deux à trois semaines, ne pourrait se tenir que début 2022.

Vincent WALES

« Nous serons prêts et pleinement déterminés à ce que justice soit rendue à Maëlys »

« En cette fin d’instruction, je veux saluer toute la pugnacité des enquêteurs et les moyens techniques, scientifiques et humains exceptionnels qui ont été déployés dans cette terrible affaire. Tout, vraiment tout, aura été tenté par les enquêteurs et magistrats pour faire jaillir la vérité », réagit Maître Fabien Rajon, avocat des parents de Maëlys, interrogé par Le Dauphiné libéré. « Malgré ces efforts sans précédent, mes clients ne savent toujours pas dans quelles conditions la petite Maëlys a été tuée et quels sévices lui ont été réellement infligés le soir de sa disparition. Nordahl Lelandais porte depuis les premiers temps de l’affaire une lourde et éclatante responsabilité dans cette situation », poursuit le pénaliste lyonnais. « Avec mes clients et tous leurs soutiens, nous lui donnons désormais rendez-vous devant les assises de l’Isère. Que Nordahl Lelandais soit certain que nous serons prêts et pleinement déterminés à ce que justice soit rendue à Maëlys et à tous ceux qui la portent dans leur cœur. »


La chanson de Vitaa et Slimane en hommage


Tiphaine Pioger, journaliste, et Jennifer de Araujo, maman de Maëlys, racontent Maëlys dans un livre à quatre mains, Maëlys. Ma fille. Tuée. À 8 ans et demi. Photo Le DL /Astrid DI CROLLALANZA

Tiphaine Pioger, journaliste, et Jennifer de Araujo, maman de Maëlys, racontent Maëlys dans un livre à quatre mains, Maëlys. Ma fille. Tuée. À 8 ans et demi. Photo Le DL /Astrid DI CROLLALANZA

Jennifer raconte sa fille Maëlys
dans un livre à quatre mains

Jennifer, la mère de Maëlys, raconte sa fille dans un livre paru le 27 janvier chez Robert Laffont, Maëlys. Ma fille. Tuée. À 8 ans et demi. Une histoire écrite à quatre mains, avec la journaliste Tiphaine Pioger. Le procès de Nordahl Lelandais s’ouvre ce lundi.

Fin août 2017, la France découvre le portrait de Maëlys, une enfant de 8 ans disparue en Isère. Tiphaine Pioger, vous êtes journaliste et vous arrivez rapidement sur place.

« J’ai travaillé depuis le tout début sur cette affaire. Je me souviens très bien des premiers jours, des recherches déployées sur le terrain, du portrait de Maëlys sur les voitures, les vitrines des magasins, le bord des routes. J’étais alors avec mon équipe, en tant que journaliste LCI. Et parfois, on ressent une connexion hyper-forte avec un sujet. C’est ce que j’ai immédiatement ressenti, avec cette petite fille qui disparaît dans un contexte improbable, celui d’un mariage. »

Vous suivez l’affaire pour une chaîne d’information continue. Comment est venue l’idée d’écrire l’histoire de cette enfant qui devient, dès les premiers jours, un fait divers hors-norme ?

« Ce n’est que des années plus tard qu’a germé l’envie de traiter cette affaire différemment, de façon plus littéraire et non comme un fait divers , de façon chirurgicale. J’avais eu l’occasion de rencontrer Jennifer et Joachim avec une équipe, une interview pour LCI au moment du premier anniversaire de la disparition de Maëlys. Ensuite, un long documentaire a suivi, sur le combat de cette famille. Partout, Nordahl Lelandais occupait la scène, mais à mon goût on ne parlait pas assez de cette famille, de cette mère de famille qui dégageait une force incroyable. »

Et vous décidez de mener le projet avec Jennifer, la maman de Maëlys…

« Je l’ai appelée, je lui ai présenté le projet, mon souhait de travailler ensemble, non pas de façon purement journalistique, en évitant à tout prix l’écueil d’être racoleur, mais avec une dimension bien plus littéraire, de raconter cette histoire avec une certaine poésie. Et pas seulement le récit de ce fait. Je souhaitais apporter une dimension humaine, universelle. Jennifer a pris le temps de la réflexion. Elle a fini par accepter car on partageait une même vision, celle de peut-être aider d’autres parents qui avaient également perdu un enfant, sans en être un symbole, comme Jennifer l’est devenue quelque part. »

Propos recueillis par Vincent WALES


« L’école n’était pas la passion de Maëlys, mais elle était curieuse d’apprendre », détaille Jennifer Cleyet-Marrel, sa maman.  Photo J. C. -M

« L’école n’était pas la passion de Maëlys, mais elle était curieuse d’apprendre », détaille Jennifer Cleyet-Marrel, sa maman.  Photo J. C. -M

« Maëlys voulait devenir
agricultrice et pompier »

Maëlys a été enlevée dans la nuit du 26 au 27 août 2017, durant une fête de mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère). Alors que Nordahl Lelandais va être jugé pour enlèvement, séquestration et meurtre, portrait d’une petite fille au cœur de tout, mais dont on sait peu de chose.

Un regard noisette. Un sourire espiègle. Une mèche rebelle. Voilà plus de quatre ans que Maëlys regarde la France dans les yeux, son visage apparaissant régulièrement dans les médias. Cette petite brunette au teint hâlé est la deuxième enfant de Jennifer Cleyet-Marrel et Joachim de Araujo, après sa sœur Colleen, de trois ans son aînée.

Du 31 janvier au 18 février, Nordahl Lelandais sera jugé devant la cour d’assises de l’Isère pour l’enlèvement, la séquestration et le meurtre de Maëlys. Qui est au cœur de tout mais dont on sait finalement si peu.

Maëlys est née le 5 novembre 2008. « Elle est arrivée dans la vie comme une petite fusée. Pressée de découvrir le monde », sourit sa maman, Jennifer. Un départ précipité de Morestel, 25 minutes pour parvenir à la clinique de Bourgoin-Jallieu, où elle pousse son premier cri. « Quarante minutes plus tard, elle était sur mon ventre. »

"Elle n’allait pas vers les gens qu’elle ne connaissait pas. Elle ne donnait pas sa confiance facilement."
Jennifer Cleyet-Marrel, la mère de Maëlys

Maëlys est un bébé souriant, calme et bien éveillé. De ceux qui s’élèvent sans heurts. À l’âge de cinq mois, sa santé tressaute. Le diagnostic tarde et ne sera posé qu’à la faveur d’une vidéo lors d’une “crise”, tournée par ses parents : épilepsie. Elle a 12 mois et un traitement accompagne ses premières années. Elle souffle sa troisième bougie et l’on n’en parle plus. Reste le souvenir d’une « bonne frayeur » pour Jennifer et Joachim.

La vie au grand air et entourée d’animaux

Les princesses et le rose bonbon ne l’intéressent pas. Maëlys aime la vie au grand air. Jouer au foot. Fabriquer des tremplins pour sauter à vélo dans le jardin, avec des planches et des parpaings. Bouger, courir, sauter. Au cœur des centres d’intérêt de Maëlys, il y a les animaux. La famille en a plusieurs et la petite fille passe de longs moments à jouer avec eux et à s’en occuper. Elle donne aussi le biberon aux veaux de la ferme installée à côté de la maison de ses parents et participe à la traite des vaches. « Elle voulait être agricultrice ou pompier. Je lui avais dit qu’elle pouvait faire les deux ! Elle aimait tellement aider les autres. Elle était généreuse. »

Une petite fille timide, pudique et discrète

Et un peu timide, aussi. Pudique et discrète. « Elle n’allait pas vers les gens qu’elle ne connaissait pas. Elle ne donnait pas sa confiance facilement. Même quand on passait la soirée chez des amis, elle avait peur qu’on parte en la laissant la nuit là-bas : elle s’empêchait de s’endormir sur le canapé, pour rester avec nous. »

La voix de Jennifer se brise. « Je ne saurai jamais ce que serait devenu mon petit poussin. » Maëlys aurait eu 13 ans le 5 novembre 2021.

A. S


.


Janvier 2022


Maëlys et sa famille avaient élu domicile à Mignovillard depuis 2015. La fillette était scolarisée à l’école des Barbouillons.  Photo Le DL/Julie BATAILLON

Maëlys et sa famille avaient élu domicile à Mignovillard depuis 2015. La fillette était scolarisée à l’école des Barbouillons.  Photo Le DL/Julie BATAILLON

Mignovillard veut que « justice soit faite »
pour Maëlys

À Mignovillard, où vivaient la fillette et sa famille, personne ne l’a oubliée. Des dizaines de journalistes avaient débarqué dans le village de 800 âmes au moment de sa disparition. À quelques jours du procès de Nordhal Lelandais, « qui va raviver toute la douleur », les habitants se souviennent.

Mignovillard. Sur la gauche, à peine plus loin que le panneau d’entrée de la commune, le cimetière. Ce jour-là, le soleil brille. La neige recouvre le paysage. Le bleu du ciel contraste avec le blanc et le gris des pierres tombales. Sur l’une d’elles, la neige s’arrête juste au niveau des dates de naissance et de décès. Au-dessus, une photo. Maëlys. Le visage confiant tourné vers l’avenir. Un avenir qui s’est brisé net un soir de fête devenu horreur, à des centaines de kilomètres de chez elle.

« On ne touche pas à un enfant »

« Je ne la connaissais pas personnellement », souffle un homme terminant un signe de croix devant une tombe toute proche. Bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, la vue se brouille en évoquant la fillette. Il se tait un instant. Reprend : « Vous savez, le procès, ça ne la ramènera pas. » Un dernier regard sur cette stèle qu’on devine en forme de cœur et le vieux monsieur s’en va.

Plus haut, à 1,5 km du centre, le hameau de Froidefontaine. Rose-Marie, sur son fauteuil roulant, s’active dans sa cuisine. Poêle sur les genoux, elle prépare le repas. L’heure du déjeuner approche. Dès qu’elle entend le prénom de la fillette, un voile de tristesse s’accroche à son visage.

« Je l’ai renvoyée chez elle… Je ne l’ai jamais revue »

« Je la connaissais bien la gamine », lance cette dame d’une soixantaine d’années en allumant une cigarette. La gamine, comme elle dit, Rose-Marie l’a vue une semaine avant sa disparition. « Elle est venue voir les chevaux et les lapins comme elle faisait souvent mais j’avais du monde, alors je l’ai renvoyée chez elle », chuchote-t-elle. Avant de lancer, avec une souffrance contenue mais qu’on devine immense, un « je ne l’ai jamais revue ». Rageusement, Rose-Marie écrase sa cigarette. Les larmes aux yeux. Regarde dehors ces oiseaux qui lui tiennent compagnie quand le froid fige le paysage. « Il l’a amadouée parce qu’elle aimait les animaux », s’énerve-t-elle soudain. Et de lancer pleine d’impuissance : « Je ne peux rien faire pour la faire revenir. »

De ce procès qui commence fin janvier, Rose-Marie, cette Suissesse installée dans la commune depuis une vingtaine d’années, attend « que justice soit faite ». « On ne touche pas à un enfant », renchérissent ses voisins Aurélia et Sorim. Angèle, mère de deux enfants vivant dans le village d’à côté, acquiesce. « Il ne faut pas être trop laxiste. Les peines sont souvent trop faibles dans ce genre d’histoires, avec les remises de peine pour bonne conduite, il peut vite sortir. »

Tous savent aussi qu’avec le procès qui approche, les journalistes vont revenir. En masse. « Quand ils m’énervent trop, je baisse le rideau », tonne Rose-Marie. À la supérette du village également, on suivra le procès. Même si la vie a repris son cours, tous ont été marqués. Par l’histoire. « Par les journalistes partout, à l’affût tout le temps », lance un salarié du commerce du centre bourg, qui n’a clairement pas envie que ça recommence.

« Que le procès apporte des réponses »

Midi sonne au clocher. Quelques mamans attendent la sortie de leurs enfants devant l’école des Barbouillons. Certaines, en entendant « journaliste » et « Maëlys », se ferment. Tournent le dos. Ne veulent pas parler. Trop douloureux. D’autres se confient un peu plus facilement : « Ma fille avait croisé Maëlys dans l’école. Les enfants avaient fait des dessins pour ses parents quand c’est arrivé. » Tous y pensent. Pour certains, le temps a un peu effacé la douleur. Pour d’autres non. Derrière un masque noir, de grands yeux bleus se brouillent. Une mère de famille souligne : « J’emmène mes enfants sur la stèle pour se recueillir. Avec le procès, ça va raviver toute la douleur. Il va falloir leur expliquer, en reparler. » Avant de conclure : « J’espère que justice soit faite mais aussi que le procès apporte des réponses. Qu’on sache enfin ce qu’il s’est passé et pourquoi il a fait ça. »

Des questions que tous les Mignovillageois se posent. Car ici, personne n’a oublié Maëlys et il est si dur d’en parler. Comme pour cette jeune femme qui prendra pourtant le temps de reparler de ce drame avec sa fillette. Une larme coule le long de sa joue. Glisse sous le masque. La voix tremble. Une porte s’ouvre. Des rires et des cris s’échappent. Les enfants sortent de l’école. Elle ne dira rien de plus.

Julie BATAILLON



31 janvier 2022


Au printemps dernier, Nordahl Lelandais avait été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre du caporal Noyer. Photo Le DL /Sylvain MUSCIO

Au printemps dernier, Nordahl Lelandais avait été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre du caporal Noyer. Photo Le DL /Sylvain MUSCIO

Nordahl Lelandais : que faut-il attendre du procès ?

Le procès de Nordahl Lelandais, 38 ans, accusé d’avoir tué la petite Maëlys, 8 ans, en 2017 s’ouvre ce lundi devant la cour d’assises de Grenoble. Que peuvent apporter les trois semaines d’audience prévues ?

Le second procès de Nordahl Lelandais s’ouvre, ce lundi matin, devant les assises de l’Isère, à Grenoble. Tout semble plié avant même d’avoir été posé sur la table. L’enquête de l’affaire Maëlys a été clôturée avec des preuves matérielles, une démonstration implacable et un récit compatible avec elles. Après une attente de six mois, Nordahl Lelandais s’avoue à l’origine de la mort d’une fillette de 8 ans qu’il a frappée, il conduit jusqu’au corps de sa victime, il reconnaît aussi s’être filmé pendant qu’il agresse sexuellement deux petites-cousines de 5 et 6 ans. Tout cela coïncide, pour l’essentiel, avec ce qui est connu des investigations. À l’époque, il a déjà tué une première fois. L’ensemble se rapproche du fond de la criminalité. Il risque la peine maximale, la perpétuité.

La peine n’est plus le véritable enjeu

Alors, que faut-il attendre d’un procès de trois semaines dont l’issue ne paraît réserver aucune surprise ? Essentiellement des réponses. À ce niveau, la peine n’est plus un véritable enjeu. Pour les familles. Pour l’ensemble de la société que de tels actes horrifient et révoltent. Et pour l’accusé confronté à sa dernière occasion de parler.

Car des questions et des doutes subsistent. Notamment sur le mobile et sur le déroulement des faits. Par exemple : Maëlys a-t-elle été enlevée à la fête de mariage ou est-elle montée dans la voiture d’elle-même comme Nordahl Lelandais le raconte ? Ou encore : la version de la mort est-elle bien celle qu’il a donnée ? Les légistes ne l’ont pas jugée contradictoire avec leurs constatations mais ils n’ont pas pu exclure d’autres causes de décès en raison de l’état de décomposition de la dépouille de l’enfant. Enfin : l’agression de Maëlys avait-elle un motif sexuel ?

Nordahl Lelandais a ces clés de compréhension dans les mains et il a le choix de les utiliser ou pas. Devant une cour d’assises, un accusé a le droit de mentir. Il peut se taire, la présidente va le rappeler, dès ce lundi matin, à Nordahl Lelandais. Il peut aussi refuser de comparaître, cela arrive. Mais, la dissimulation, le silence et l’obstruction ont un prix que l’accusé doit être prêt à payer s’il est pris en défaut.

Au procès Noyer, la cour et le jury n’ont pas cru Lelandais

Des questions similaires à celles de l’affaire Maëlys – quasi identiques sur l’enchaînement des événements et le mobile sexuel – restaient posées avant le procès de Nordahl Lelandais pour le meurtre d’Arthur Noyer, qui s’est déroulé au mois de mai 2021 à Chambéry. Aux assises, en Savoie, il a maintenu mordicus, jusqu’à la fin, la version qu’il avait livrée aux enquêteurs et aux juges d’instruction. En la présentant comme la vérité.

La cour et le jury en ont tiré leur conclusion. Ils ne l’ont pas cru. Dans leurs motivations (l’explication de leur verdict) ils ont listé très précisément tout ce qui, dans le dossier et les divers témoignages, remettait en cause son histoire. Pour retenir que ses déclarations avaient été « évolutives et mensongères ». Comportement justifiant, à leurs yeux, en plus des faits commis, la peine de 20 ans infligée.

Les coups de théâtre et les détails

De ces trois semaines, Nordahl Lelandais est presque le maître de l’enjeu. C’est son procès. Il peut faire face à ses responsabilités, aussi effroyables soient-elles, et participer, comme cela se dit dans les prétoires, à « l’émergence de la vérité ». Comme il peut camper dans ses retranchements. Mais il n’aura aucune prise, en revanche, sur les révélations inattendues que peut entraîner la mise en présence physique de tous les protagonistes et que peut provoquer l’énorme charge émotionnelle attachée à un tel drame.

Chaque procès a ses coups de théâtre, petits et grands, qui s’avèrent, parfois, décisifs pour que la justice passe de la meilleure et la plus équitable des manières. Aux assises aussi, contrairement à l’idée reçue, c’est uniquement dans les détails qu’il faut chercher le diable…

Frédéric CHIOLA


Lelandais : « J’ai bien donné la mort à Maëlys »

Le procès de Nordahl Lelandais, accusé d’avoir enlevé et tué Maëlys De Araujo en août 2017 s’est ouvert lundi devant la cour d’assises de l’Isère. Le premier jour de ce procès, qui doit durer trois semaines, a vu la mère et la demi-sœur de l’accusé dresser son portrait.

Le portrait peint de Maëlys De Araujo est adossé à un mur, à l’entrée de la salle 6 du palais de justice de Grenoble. Le dessin avait été introduit dans cette salle quelques minutes plus tôt, ce lundi matin, entouré de la famille de la jeune fille tuée à la fin du mois d’août 2017 à Pont-de-Beauvoisin, en Isère. Sur place, 260 journalistes accrédités et des spectateurs ont fait la queue devant le palais de justice grenoblois depuis 4 heures du matin pour voir un homme dont le nom occupe la chronique judiciaire depuis quatre ans et demi : Nordahl Lelandais. Un Savoyard de 38 ans dont quatre et demi passés en détention provisoire à l’isolement, accusé d’avoir enlevé et tué Maëlys, 8 ans, dans la nuit du 26 au 27 août 2017, mais également d’avoir agressé sexuellement deux petites-cousines âgées de 5 et 6 ans, d’avoir détenu et enregistré des images pédopornographiques.

« J’ai bien donné la mort à Maëlys. Je ne voulais pas lui donner la mort », explique Nordahl Lelandais, en ouverture de ce procès qui doit durer trois semaines, à l’issue desquelles il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. « Je m’expliquerai sur les faits au cours de l’audience. Je présente mes excuses à la famille De Araujo », ajoute l’ancien militaire, déjà condamné à vingt années de réclusion criminelle en mai dernier pour le meurtre du caporal Arthur Noyer commis quelques mois avant la mort de Maëlys.

« L’alcool et la drogue l’ont entraîné dans ce délire »

Comme devant la cour d’assises de la Savoie huit mois auparavant, l’enquêtrice de personnalité dresse le portrait de ce fils d’un commercial en produits pharmaceutiques et d’une employée de cabinet de radiologie, à l’enfance et l’adolescence « sans difficulté majeure ». Un homme débarqué aux confins de la Savoie et de l’Isère dans le sillage de son père muté dans la région, qui sortira de l’école sans qualification avant de s’engager dans l’armée en avril 2001. « Un engagement de cœur » selon Me Alain Jakubowicz, l’avocat de Nordahl Lelandais. Réformé à sa demande le 26 janvier 2005 pour infirmité, après avoir reçu une fléchette de sarbacane dans l’œil gauche de la part d’un supérieur, il avait raccroché le treillis avant d’enchaîner les expériences professionnelles.

La demi-sœur de Nordahl Lelandais, qui a partagé une enfance « complice » avec l’accusé, détaille : « Peu avant ce qui lui est reproché, il a commencé à prendre de la drogue. Avant, il n’en prenait pas et il n’était pas comme ça ». « Ces histoires d’alcool et de drogue l’ont entraîné dans ce délire », confirme la mère de Nordahl Lelandais qui évoque un fils « doux » et « gentil ». La demi-sœur de l’accusé, qui sera « toujours là malgré les faits », concède connaître « une partie de lui ». Avant de respirer profondément : « L’autre partie, on l’a découverte avec les médias ».

Benoît BOUY